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Portes et miroirs III

22 novembre 2020

Le rouge à lèvres de ma grand-mère

Le rouge à lèvres de ma grand-mère

 

Je suis chez mes grands-parents, à la Sabatière. J’ai six ans, peut-être sept. C’est le moment d’aller faire les courses à Aubagne et ma grand-mère se prépare avec soin dans la salle de bain. Je traîne dans ses jupes, j’adore ce lieu et son immense baignoire vert olive, le lavabo sur pied assorti, les carreaux noir mat ponctués de cabochons dorés et de bandeaux en pâte de verre. Avec le recul, je pense que le luxe d’une telle baignoire posée vers  la fin des années 50, d’un tel carrelage, doit correspondre au luxe d’une petite piscine privée de nos jours. La fête, c’est de nager dans l’eau bleu et mousseuse, l’Obao dans sa bouteille en plastique élancée, son parfum d’exotisme.

Le miroir au-dessus du lavabo est un petit rectangle embarrassé d’une tablette en verre où sont posés le gobelet avec le dentifrice et les brosses à dents, le peigne en corne et la brosse en poils de sanglier, le blaireau, le rasoir, le bâton trapu du savon à raser, la boîte de poudre, le tube de rouge à lèvres.

C’est de mon âge et je pose cent questions. Dis pourquoi tu te mets du rouge à lèvres (je voudrais bien en avoir aussi, mais ça je n’ose pas. Mettre les chaussures à talons que je trouve dans les placards, enfiler de vieux jupons qui me font des crinolines, oui. Le maquillage, non). Ma grand-mère se peint la bouche avec soin, pince les lèvres plusieurs fois pour répartir la pâte brillante. Une fois, me dit-elle, j’étais pressée et je suis partie faire les courses avec ton père sans rouge à lèvres. Il n’a pas aimé ça. « Je le dirai, que tu es sortie les lèvres nues ! »

Depuis, quand je me mets du rouge à lèvres, je les habille, décence oblige, et je pense à ma grand-mère et son petit garçon que je ne connais pas. C’est mon père, pas un enfant qui pique des colères pour une histoire de lèvres nues.

Brigitte Allègre – Cabrières d’Aigues, 22 novembre 2020.

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9 octobre 2020

Louise Glück - Extrait du recueil " A village Life"

 

 

 

 

Vivre au village

Louise Glück

Traduction de l’américain par Brigitte Allègre

 

Source: Flickr

A James Longenbach

 

 

Entre chien et loup

 

Toute la journée il trime au moulin chez son cousin

alors quand il rentre le soir, il se pose sur une chaise là toujours à cette unique

fenêtre,

observe cet unique moment de la journée, entre chien et loup.

Il devrait y en avoir davantage, pour se poser sur une chaise et rêver.

Comme dit son cousin :

vivre – ça ôte le temps de se poser.

 

Dans le cadre de cette fenêtre, on voit non le monde mais un bout rogné du paysage,

échantillon du monde. Les saisons passent,

Chacune visible seulement quelques heures par jour.

La verdure effacée par l’or effacé par la blancheur

 

____

Des choses abstraites d’où viennent d’intenses plaisirs,

comme ces figues sur la table.

 

Au crépuscule, le soleil se couche dans un halo rouge d’incendie entre deux peupliers.

Il se couche tard en été – parfois c’est difficile de tenir

éveillé.

 

Et puis tout décline.

Un instant encore le monde

est images, et puis seulement sons,

grillons, cigales.

 

Ou parfois parfums, effluves de citronniers, d’orangers.

Et puis le sommeil s’empare de ça aussi.

Mais c’est facile de lâcher prise comme ça, à titre d’essai

l’affaire de quelques heures.

 

Je desserre les doigts

je laisse tout filer.

 

Les images du monde, les mots,

Le friselis des feuilles dans la nuit

Le parfum des hautes herbes, du bois brûlé.

Je les laisse filer, et puis j’allume la bougie.

 

 

17 février 2020

Le mystère des oeufs

Source: Flickr

Les oeufs me fascinent - la taille et surtout le nombre comptent. Je suis émerveillée de découvrir trois ou quatre oeufs dans le poulailler, au-delà, mon cerveau reptilien déclenche une sorte de réaction légèrement phobique. Je me souviens d'une fois où les poules avaient décidé de pondre dans le composteur ; une semaine s'est écoulée avant que je ne découvre le pot aux roses constitué d'une bonne vingtaine d'oeufs. j'ai senti mes poils se hérisser légèrement, une vague chair de poule... Que dire des centaines d'oeufs d'insectes en grappe sur une feuille ? Bizarrement, la vue des oeufs d'oursin, de truite, de saumon ou de lompe me laissent sereine avec la seule envie de les manger.

Toutefois, rien ne me plaît davantage qu'aller chercher les oeufs de mes poules, c'est le moment joyeux de la journée...

8 février 2020

Nouveau départ

Aujourd'hui Belette décolle pour les antipodes. Demain, à l'heure où l'étoile du Berger se lévera pour moi, son ciel sera différent : vertige... Nous aurons la lune en partage.

Donc aujourd'hui j'ouvre le troisième tome de mon Portes et Miroirs commencé lors de notre voyage en Islande en famille - Belette était adolescente, et il me semble que ce voyage a tatoué en elle des images qui à présent imprègnent sa vie, ses choix. Je crois. Mais je ne suis que sa mère et que sait-on de nos enfants lorsqu'ils grandissent ? Que sait-on de nos enfants tout court ? Il s'agit de les aimer simplement, c'est tout, du mieux qu'on peut.

Source: Flickr

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Portes et miroirs III
  • Au jour le jour, impressions, petits moments, voyages immobiles, réflexions en tout genre, carnets de notes et de voyages, conversations au fil de l'eau, espoirs déçus ou récompensés de ma vie d'écrivain et de prof...
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